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Articles & chroniques, Bordeaux Montaigne

Entretien avec Alain Lequesne, par Elsa Plent

6 April 2015 / by Arts en Fac

Alain Lequesne

Alain Lequesne est un artiste contemporain né en 1942 à Bordeaux , qui met en scène à travers ses productions abstraites un vrai goût pour la musique Jazz et l’humour grinçant.
✄ Site internet d’Alain Lequesne

Elsa Plent : À quel moment avez-vous commencé à ressentir le besoin de vous exprimer à travers des productions plastiques ?
Alain Lequesne : Ça fait fort longtemps ! Depuis tout petit, j’ai toujours dessiné. Je me suis emparé des peintures qui traînaient, je fabriquais des choses en pâtes à modeler… Ça m’a pris tout petit.

Elsa Plent : Vous avez choisi de vous concentrer sur des études de sport et avez fait carrière dans ce domaine, pourquoi ne pas vous être orienté vers des études d’art ?
Alain Lequesne : Le problème est assez compliqué. En fait j’ai toujours voulu faire des productions artistiques, par contre j’étais engagé dans une filière mathématique puisque bêtement j’avais des prix de physiques et de maths. Je voulais bien travailler un peu mais je voulais surtout, avoir du temps devant moi pour vivre, c’est-à-dire faire des choses qui ne servent à rien. Pendant ce temps-là je suivais des cours dans une atelier de peinture à Bordeaux et je me suis rendu compte très vite que si je voulais manger tous les jours il valait mieux faire autre chose que de la peinture. Par une succession de hasards je me suis dit que finalement faire professeur d’éducation physique, c’était un boulot, un, qui était facile à avoir et deux, qui laissait beaucoup
de temps libre. Voilà on va simplifier.

Elsa Plent : Vous avez vécu quinze ans en Afrique du Nord, la culture Tunisienne et Algérienne a-t-elle nourri votre travail ?
Alain Lequesne : Le travail à proprement parlé, non. Que ça m’ait apporté d’autres éclairages sur une culture différente, une façon de voir, une façon de vivre différente, oui. Ça m’a donné l’occasion de fréquenter des personnes que je n’aurais pas connues autrement qui m’ont aussi apporté beaucoup de choses sur le plan de la connaissance des autres, langues, cultures, relations internationales, etc. mais bon, ce que je peignais en Algérie, je n’ai pas vu de différence avec ce que je faisais en France.

Elsa Plent : Vous exposer régulièrement en Aquitaine mais aussi à Paris par l’intermédiaire d’Art Up_1, comment choisissez-vous vos expositions ?
Alain Lequesne : Alors, il y a deux choses : d’une part j’ai des lieux d’exposition à Paris, à Lyon, à Strasbourg et à Dijon, dans des galeries : ces galeries choisissent sur mon site les toiles qui les intéressent , je leur envoie les toiles, ils se chargent de les vendre et tous les mois ils me renvoient des sous, voilà. Par ailleurs, j’ai quelques expositions en Aquitaine parce que je fais partie de diverses associations, des « artistes plasticiens bordelais »_2 ce sont les anciens « Indépendant d’Aquitaine » c’est une association assez ancienne, puisqu’elle date de 1920, si ma mémoire est bonne, à peu prés. C’est quand même assez intéressant, puisque j’ai pu exposer à côté d’artistes qui ont exposé avec cette association comme Braque, Picasso ou Alechinsky , André Lhote et Adrien Marquet, un peintre bordelais aussi, et quelques autres de ce genre. Après ça il y a diverses expositions locales, généralement je choisis celles, ou qui sont gratuites, ou qui sont relativement bon marché, je n’arrive pas à me faire au fait qu’il faille se soumettre au racket des organisateurs d’expositions, qui demandent 1500 euros pour exposer deux toiles, c’est pas intéressant.

_1 Art Up Déco : marchand d’art qui propose de « vendre des œuvres d’art uniques, accessibles à tous comme des objets de décoration. » http://www.artup-deco.com
_2 Artistes plasticiens bordelais : association « les indépendants plasticiens de Bordeaux » fondée en 1927 sous le nom « les indépendants bordelais ». http://www.independantsplasticiens33.com

Elsa Plent : Vous avez aménagé un lieu d’exposition privé dans la grange de votre propriété, à Souprosse, une sorte d’atelier géant où l’on peut observer une grande quantité de vos peintures mais aussi de vos sculptures et de vos livres, aviez-vous ce projet depuis longtemps ?
Alain Lequesne : Cet atelier, c’est une histoire de fou, parce que je l’ai acheté un jour où j’avais trop bu, c’est-à-dire que cette grange appartenait aux anciens propriétaires de la maison, ça faisait trente-cinq ans que je leur disais que lorsqu’ils la vendraient, qu’il me préviennent parce que je voulais pas avoir quelqu’un qui vienne s’installer à coté de chez moi. Donc un jour où on avait pris l’apéritif avec les voisins, je sais pas pourquoi on avait parlé de la grange, dans les mêmes termes qu’habituellement et le lendemain, la voisine est venue me dire qu’ils avaient réfléchi et que comme ils n’avaient plus besoin de la grange, ils me la vendraient, donc je n’avais plus qu’une seule solution, c’était de l’acheter. Au bout d’un an j’ai finalement pensé que je pouvais l’aménager en lieu d’exposition.

Elsa Plent : Les titres de vos tableaux font chaque fois référence au titre d’un morceau de jazz, à quel point ce style musical influence-t-il votre travail ?
Alain Lequesne : Ah ! Euh… c’est pas que ça influence, c’est que c’est exactement la même chose. C’est-à-dire c’est le même fonctionnement. Lorsque qu’on a affaire à une toile, on se trouve aux prises avec des contraintes qui, pour être différentes, ne sont pas totalement étrangères au « move » musical, on a une grille harmonique avec des harmonies, au lieu d’être musicales elles sont colorées, mais c’est pareil. L’important étant de pouvoir exprimer à grande vitesse ce que l’on ressent. Le problème dans ce genre peinture, c’est qu’il n’y a pas de raison objective de terminer à cet instant plutôt que dans 10 minutes, plutôt que dans 1 heure, il faut choisir volontairement d’arrêter, en laissant pour la suite, ce qui était peut-être possible, mais ça peut durer indéfiniment donc à un moment donné il faut bien prendre la décision de s’arrêter. Une toile finie n’est que le début des toiles suivantes. Lorsque je commence une peinture, je ne sais pas ce que je vais faire, parce que si je sais ce que je vais faire, c’est même pas la peine de commencer.

Elsa Plent : Le dripping_3 de Pollock a-il inspiré votre travail ?
Alain Lequesne : Oui, indiscutablement. J’avais découvert Pollock vers 1960 à peu prés, et donc j’ai utilisé cette technique de peinture, plus d’autres, puisque j’ai également fait brûler des peintures : c’est-à-dire que j’utilisai de la laque glycérophtalique_4, des peintures inflammables, donc j’ai utilisé cette technique en répandant des couleurs différentes et en y mettant le feu ce qui donnait des matières absolument incroyables, inattendues, hasardeuses. Autrement le dripping, oui, je l’ai utilisé assez souvent, là aussi c’est intéressant, mais difficilement contrôlable et puis finalement j’ai eu l’impression que je tournais un peu toujours autour de la même façon de faire par contre j’en garde un bon souvenir parce que c’est cette technique qui m’a permis de vendre mes premières toiles, au directeur du centre culturel français de Tlemcen.

3 Dripping : technique qui consiste à faire des superpositions de plusieurs couleurs d’un même spectre sur des surfaces horizontales originales, mais aussi sur une toile. Jackson Pollock doit, en grande partie, sa célébrité à cette technique.
4 glycérophtalique : Se dit des résines synthétiques obtenues par polycondensation de l’anhydride phtalique avec les polyalcools.

Elsa Plent : Vos livres sont conçus de manière principalement artisanale, entre peinture et prose, diriez-vous de ces productions qu’elles sont engagées ?
Alain Lequesne : Alors on revient sur le problème de « l’artiste engagé ». Alors je ne sais pas si je suis engagé, mais je ne connais pas d’artistes qui soient, par contre, désengagés. Ces histoires de livres, je me demande même si j’en suis responsable. En fait c’est une organisatrice d’exposition qui m’avait demandé si je fabriquais par hasard des livres d’artistes, j’avais quelques productions qui pouvait vaguement ressembler à ça. Et depuis tous les ans elle me demande de lui en faire des nouveaux pour des expositions, donc je me suis lancé dans cette aventure. Il y a plusieurs choses, le livre d’artiste mélange, des illustrations, des dessins, des peintures, appelons ça comme on veut, et des textes. Les textes peuvent faire aussi l’objet d’œuvres artistiques, c’est-à dire que l’écriture elle-même, comme la calligraphie, peut rehausser l’illustration, elle peut venir en contrepoint de l’illustration mais elle peut aussi être une écriture tout à fait ordinaire et à ce moment-là ce n’est plus l’écriture mais le texte qui a une relation avec l’illustration, dans la signification qu’a le texte : Est-ce que le texte retrouve la même atmosphère qu’il y a dans l’illustration ou inversement ?

Elsa Plent : L’humour est également présent dans vos productions, avec une pointe de sarcasme…
Alain Lequesne : Ah oui ! oui, oui, oui, indubitablement… et dans « indubitablement » on remarquera qu’il y a la racine « indu »…

Elsa Plent : J’ai pas compris…
Alain Lequesne : Ah bah c’est comme quand tu dis « je vais le mettre sur l’orbite », on entend bien « or »…

Elsa Plent : Ah oui ! d’accord j’ai compris… Le livre L’art du toucher de balles ou un obsédé à Roland Garros fait partie de ces productions humoristiques ?
Alain Lequesne : Oui ! Effectivement, c’est un document un peu particulier dans la mesure où j’ai relevé pendant quelques années les commentaires des journalistes qui présentent le tournoi de tennis de Roland Garros et qui, eux, commentent une image, qui est visible par tous, et lorsqu’on enlève l’image et qu’on ne garde que le commentaire sans rien d’autre, tout peut être envisageable pour peu qu’on ait l’esprit mal tourné. Effectivement certaines phrases donnent facilement lieu à des quiproquos qui sont, non pas de la gaudriole, ce serait un peu facile , mais qui sont d’un humour assez intéressant, lorsqu’en plus ils ne se livrent pas à quelques contrepèteries facétieuses…

Elsa Plent : Vous dites : « Je n’ai jamais rien créé, personne n’a jamais rien créé. rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. » dans la même idée que Lavoisier. Êtes-vous soucieux de l’avenir de la planète au travers de la récupération, en opposition avec la surconsommation ambiante ?
Alain Lequesne : Ah! oui, donc l’artiste plasticien transforme de la matière. Généralement quand on ne dispose pas de moyens financiers importants, on dispose donc des déchets des autres pour fabriquer quelque chose, le déchet est une matière à portée et gratuite. Le problème après reste : qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Comment peut-on agencer différemment pour donner corps à une idée qui peut être artistique ou humoristique ou décapante ou révolutionnaire… on peut trouver tout un tas d’adjectifs à la question. Maintenant l’efficacité sociologique de la chose me semble pour le moins aléatoire, mais bon on peut toujours espérer…

Elsa Plent : Vous dites « dessiner des bouteilles, des balances de Roberval ou des bustes en plâtre de romains plus ou moins célèbres, ne provoquait chez moi qu’un enthousiasme très modéré. » Peut-on en déduire que pour vous la mimesis dans sa définition simple d’imitation du réel, n’est pas pour vous un manière pertinente de vous exprimer ?
Alain Lequesne : Le problème est de savoir ce qu’on veut faire. S’il s’agit de représenter le réel tel qu’il est , la tâche me paraît à la fois énorme et totalement dérisoire, pour un résultat dont je ne vois pas la finalité… La photo peut être une solution dans la mesure où on peut photographier le réel sous divers aspects mais ça ne règle pas le problème pour autant… après on peut revoir la pipe de Magritte, « ceci n’est pas une pipe » , non, ceci n’est toujours pas une pipe, c’est une représentation selon les conventions d’ un objet appelé pipe.

Elsa Plent : Pour finir, je crois savoir que vous n’êtes pas friand des interviews nourries de questions pour la plupart redondantes et dépourvues d’originalité. Il me semble que vous avez fait quelque chose pour remédier à ça, je me trompe ?
Alain Lequesne : Les questions qu’on pose sont de plusieurs ordres, soit elles ont un rapport avec la vie de l’interviewé donc là il peut répondre, mais le plus souvent elles sont à coté de la question effectivement, j’aime bien procéder au démontage des questions_5 et surtout revenir à la réalité quotidienne qui est parfois rien de plus qu’un gars qui travaille et qui fait ce qu’il peut avec de la matière.. comme tout le monde.

5 démontage des questions : voir l’auto-interview sur le site http://www.alainlequesne.eu rubrique actualités.
Tags  
Alain LequesneElsa PlentEntretienInterviewJazzL1MéthodologiePeintureSandra Métaux

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